Renault 5 Turbo, sans complexe !

Lorsque Renault présenta sa 5 Turbo au salon automobile de Paris en octobre 1978, la marque fit sensation. Proposer une version body-buildée de cette sympathique auto à l’indéniable succès depuis six ans, ne pouvait que convaincre l’immense majorité des passionnés. En cette fin des années soixante-dix, la marque ose le sport automobile sous toutes ses formes à commencer par l’endurance avec Alpine et une victoire à la clé au Mans 1978 face à Porsche ! L’année d’avant, Renault investi la formule 1 avec son moteur turbo qui, moqué au départ à cause de ses casses fréquentes, deviendra un must have quelques années plus tard dans toutes les écuries. Retour en 1978, janvier plus précisément, car c’est avec de simples R5 Alpine groupe 2 que la marque va marquer les esprits en plaçant ses deux planches à roulettes aux deuxièmes et troisièmes places du classement général du Rallye de Monte Carlo. Le contexte est donc favorable pour annoncer ses intentions en rallye pour les années à venir, d’où la révélation de cette 5 Turbo dont le développement est loin d’être bouclé. Pour preuve, le véhicule présent sur le salon n’est qu’une maquette sans moteur que l’on ne pourra approcher de près. Il faudra attendre environ un an et demi afin de la voir dans les concessions. Je me souviens très bien de ce mois de juillet 80 et du magazine L’Automobile qui lui a consacré sa couverture et de nombreuse pages, détaillant tous les aspects techniques de la bombe Renault. De la 5 de base, il ne reste pas grand-chose si ce n’est la forme générale car la mécanique est totalement revue : le moteur migre de l’avant au centre arrière de la caisse, condamnant de fait la banquette. Il est néanmoins bien connu puisqu’il s’agit du légendaire « Cléon fonte » qui fait le bonheur de tonton Bernard sur sa 12 TL. Mais ici, sa cylindrée passe à 1397 cm3 et, gavé par un turbo, la puissance monte à 160 ch. pour un couple de 209 mN, on est donc bien loin du caractère placide de la susnommée ! Evidemment, toute la partie châssis et les trains roulants seront adaptés afin de rendre cette 5 la plus efficace possible dans les épreuves de rallye, pour lesquelles elle est avant tout destinée. Pour parachever le tout, on va utiliser l’aluminium pour les portes le toit et le capot afin de gagner un maximum de poids. Un produit bien étudié, bien pensé dans ses moindres détails. Afin de la classer en groupe 4 des rallyes, il faut en produire 400 exemplaires en série dans un temps donné, c’est Alpine à Dieppe qui va s’en charger, suspendant pendant quelques semaines la fabrication de l’A310 afin de respecter les délais !

Renault va s’attacher à rendre ce produit le plus exclusif possible. Outre l’aspect extérieur avec ses ailes gonflées, becquet, spoiler et j’en passe, l’intérieur va être entièrement dessiné par Marcello Gandini de Bertone avec de flamboyantes couleurs rouges et bleues pour le garnissage intérieur. Le tableau de bord est également spécifique, très design mais critiqué pour sa mauvaise lisibilité car trop sensible aux reflets. Un comble pour une sportive donc les indications de régime moteur sont vitales ! Ces 400 premiers exemplaires ne seront disponibles qu’en teinte Rouge Grenade et Bleu Olympe, d’autres coloris seront rajoutés par la suite. Le prix de vente est de 115000 FF, somme qui ne la met pas à la portée de toutes les bourses. A ce tarif, c’est tout simplement la voiture française la plus chère du moment. Pour vous la situer par rapport à la concurrence, elle se place entre les BMW 528i et 535i ! Elle sera d’ailleurs plus commandée dans le but de faire des rallyes que pour une utilisation quotidienne. Renault va néanmoins modifier sa stratégie en 1982, en présentant la Turbo 2, simplifiée, en reprenant l’intérieur de la 5 Alpine et en abandonnant les livrées intégrales bleues et rouges, les pare-chocs étant uniformément gris anthracite quelle que soit la teinte de la carrosserie. Ces modifications permettront de réduire drastiquement le prix de vente, celui-ci se situant alors à 92000 FF. Les ventes civiles seront de fait plus importantes car son tarif la situe désormais au niveau d’une Renault 30. Elle sera proposée au catalogue jusqu’en 1985 et n’aura pas de descendante directe dans l’immédiat. Une certaine Clio V6 pouvant être considérée comme son héritière.

Impossible d’ignorer la vie sportive de la 5 Turbo qui a écumée de très nombreux rallyes régionaux, nationaux et mondiaux. Quoique sur ces derniers, son ère va se télescoper avec une certaine Audi Quattro (et autres groupes B) qui va révolutionner la discipline avec ses quatre roues motrices en particulier sur les rallyes mixtes terre/goudron. Sur asphalte sèche, la 5 turbo, avec les talents de pilotes comme Jean Ragnotti, tirera son épingle du jeu avec quelques succès à la clé dont le Tour de Corse 1985 par exemple. Les courses de côte seront un autre terrain de jeu de la 5 Turbo, mais également les circuits, en Superproduction et en coupe d’Europe 5 Turbo en ouverture des grands prix de Formule 1, sans oublier le Rallycross. Renault ne cessera de faire évoluer les versions Rallye baptisées « Cévennes », « Tour de Corse » et « Maxi 5 Turbo » s’adaptant ainsi aux changements de réglementation sportive et à la montée en puissance des concurrents. Les puissances proposées seront évidemment supérieures aux 160 ch. d’origine et Renault proposera des kits moteurs allant de 180 à 315 ch. mais on ira encore plus loin, notamment avec un sommet à 385 ch. en Superproduction ! Toute la partie châssis sera progressivement et profondément remaniée afin de transmettre aux roues de telles puissances dans les meilleures conditions possibles. Avec son palmarès éloquent, la 5 Turbo a définitivement marqué de son empreinte le paysage automobile sportif des années 80.

Posters Renault 5 Turbo