Hiver 1977 sur les routes enneigées de Finlande, le chef de projet Roland Gumpert est en séance d’essais avec le 4×4 Volkswagen Iltis. A mesure qu’il avance dans ces conditions difficiles, il est étonné par ses capacités de progression, ceci malgré les seulement 75 ch disponibles. « Qu’est-ce que ce serait avec plus de chevaux ?! » se demande-t-il, et se prend à rêver d’une voiture associant une transmission intégrale à un moteur de grande puissance. De retour au bercail, il fit part de ses réflexions à ses collègues dont un certain Ferdinand Piech alors patron du développement. L’idée est prise au sérieux et on décida de bricoler un premier prototype sur base d’une Audi 80 greffée de la transmission intégrale de l’Iltis et d’un nouveau moteur en développement : un cinq cylindres turbo destiné au futur haut de gamme 200 alors en gestation. Les premiers essais sont très concluants mais montrent également les limites de la transmission 4×4 purement utilitaire du VW. Deux autres prototypes vont suivre intégrant des améliorations techniques dont notamment un différentiel central permettant de répartir les efforts sur les quatre roues en tenant compte des distances différentes parcourues par les roues extérieures et intérieures en virage.
En parallèle de ces développements, Audi aimerait intégrer dans sa gamme un coupé quatre places plutôt orienté haut de gamme et… quoi de plus naturel pour les ingénieurs d’y placer la technique intégrale en développement ! Le but au final, est de proposer un produit haut de gamme se distinguant par son avance technologique et justifiant ainsi sa place en face des meilleurs, nous parlons bien sûr ici de BMW et Mercedes ! Il y a, de plus, une arrière-pensée de sport automobile, car Audi a la volonté de faire homologuer ce futur véhicule en Rallye.
Mais il faut convaincre les acheteurs potentiels et leur faire comprendre en quoi ce véhicule est différent de la concurrence. C’est à travers son nom de baptême que l’on va réaliser cela : car au lieu que d’utiliser un chiffre comme il est d’usage chez Audi, c’est un nom proprement dit, « Quattro », qui sera retenu ! Celui-ci n’est pas tombé du ciel, il a fallu se creuser la tête chez Audi. Au départ, le pragmatisme Allemand voulait le nommer CARAT pour « Coupé All Rad Antrieb Turbo » (coupé turbo à transmission intégrale), mais certains comme Ferdinand Piech et le chef de projet Walter Treser s’y s’ont opposés. Ce dernier, lors d’une réunion, apporta un parfum de femme nommé Carat justement et disant à tout le monde : « On ne va quand même pas baptiser une voiture d’un nom de parfum ! ». Il proposa alors Quadro modifié en Quattro par Piech jugeant ce dernier plus dur et en phase avec la philosophie technique du véhicule.

C’est le 3 Mars 1980 que l’Audi Quattro sera présentée officiellement au salon de Genève. Elle fera forte impression avec d’une part, son style taillé à la serpe, ses ailes gonflées, ses quatre phares rappelant la 200 Turbo et d’autre part, sa technologie évoluée : un original moteur cinq cylindres de 2144 cm3, 200 ch, 285 Nm et bien sûr la transmission intégrale. Cela lui permet d’abattre le 0 à 100 en 7,5 s et de filer à 220 km/h posant ainsi le modèle dans la cours des grands.
Au départ, prévue pour être produite à 400 exemplaires, afin de viser l’homologuation en Rallye, il s’en vendra finalement plus de onze mille au fil des onze ans de carrière. Il y aura très peu de changements : esthétiquement, seules la calandre et les jantes vont évoluer et du côté mécanique, ce sera l’adoption en 1989 des quatre soupapes par cylindre. Les chiffres évoluant comme suit : 2226 cm3, 220 ch, 303 Nm, 0 à 100 en 7s, vitesse de pointe 232 km/h.

Evidemment, on ne peut évoquer l’Audi Quattro sans parler de ses participations au championnat du monde des rallyes car elle y fera figure d’épouvantail. Elle va débarquer en 1981 au milieu des Fiat 131 Abarth, Ford Escort RS, Lancia Stratos, Opel Ascona 400, Renault 5 Turbo, Talbot Sunbeam Lotus, toutes des propulsions et va s’imposer en février en Suède dès sa deuxième participation ! Mais la joie sera de courte durée chez Audi car il faudra attendre le San Remo en octobre avant qu’Audi ne renoue avec la victoire, sa technologie élaborée demandant encore de la mise au point et sa fiabilité n’étant pas toujours au rendez-vous. Pour la petite histoire, ce rallye sera également marqué par la première victoire d’une femme en WRC avec Michèle Mouton. Cependant, c’est en 1982 que l’Audi Quattro va montrer tout son talent en remportant le championnat du monde des rallyes avec 7 victoires sur 12 rallyes.

Mais la concurrence ne va pas se laisser faire et fourbira ses armes les années suivantes avec entre-autres la redoutable Lancia Rally 037 en 1983 qui ravira cette année-là le titre pour deux points à Audi ! En 1984, ce sera à nouveau au tour d’Audi de récupérer la couronne, et ce sera aussi cette même année qu’entrera en lice la fameuse 205 T16. Celle-ci, reprendra la transmission intégrale tout en améliorant les points faibles de l’Audi : son moteur en porte à faux avant et sa grande longueur la pénalisant en maniabilité dans des rallyes tels que le Tour de Corse. La 205, mieux équilibrée remportera le championnat en 1985 et 1986 face à une concurrence toujours plus féroce : Lancia avec sa Delta S4 et toujours Audi avec une Quattro Sport raccourcie cherchant ainsi à gommer un des défauts de l’originale. Mais ces groupes B, trop évoluées, sont devenues trop dangereuses et on doit déplorer de nombreuses victimes parmi les pilotes. La fin de partie sera sifflée en 1986 avec l’interdiction pure et simple de ces dernières.
Audi aurait pu exploiter plus sérieusement ses victoires : imaginons une commémoration des victoires en rallye sur le modèle de série, celui-ci reprendrait les couleurs utilisées lors des différentes épreuves. A commencer par celles des débuts :

Ou bien les couleurs BP qui lui vont si bien :

Le patronyme Quattro est toujours d’actualité aujourd’hui, il ne désigne plus un véhicule à part entière mais les versions à transmission intégrale des différents modèles du catalogue. D’ailleurs, afin de distinguer les Quattros actuelles de la première, cette dernière est surnommée « Ur-Quattro » (Quattro originelle) et on peut affirmer que son épopée est la pierre angulaire du succès d’Audi aujourd’hui.
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