Nous sommes en mars 1984 au moment du repas du soir en famille, mon père, mécanicien chez Peugeot, nous raconte que la concession pour laquelle il travaille vient de « toucher » un lot de Peugeot neuves bénéficiant d’une très forte remise. Parmi celles-ci, une 305, qui pourrait avantageusement remplacer sa 204 break âgée de 8 ans et ayant passé le cap des 70.000 km. Alors que je m’attendais à l’annonce d’une commune version GR blanche, la description du modèle qu’il fait, pique ma curiosité et attire toute mon attention : il s’agit en effet du sommet de la gamme du moment, soit la GT, de plus équipée de jantes alu et arborant une magnifique couleur métallisée Brun Macao. Une voiture normalement hors de portée du budget de mon père car proposée, dans cette configuration, à environ 70.000 F neuve. Mais la remise de 25 %, inimaginable à l’époque, la place au niveau d’une 305 GL ou 205 SR, ce qui est plus dans les cordes de notre famille. Du coup, se pose la question à cent balles : mais pourquoi donc un tel rabais sur une voiture neuve au kilométrage quasi nul ? Eh bien, cette 305 GT commandée par un client, a été victime des intempéries, en l’occurrence la grêle. Ledit client, ne voulait plus prendre possession d’un véhicule abimé malgré la compensation commerciale proposée par Peugeot. Autre question, pourquoi ne pas procéder à la réfection de la carrosserie avant de la livrer ? Pour la bonne et simple raison que ce travail, au vu du nombre d’impacts sur la carrosserie ainsi que par la très petite taille de ceux-ci, était trop fastidieux, onéreux et donc non rentable. Peugeot préférant les vendre en l’état et en priorité aux personnels de la marque. A la fois emballé et hésitant, mon père suggère que nous allions voir la voiture le week-end suivant afin de recueillir mon avis et celui de mon frère, ma mère et ma sœur laissant cette mission à la partie masculine de la famille. Et c’est ainsi que le samedi suivant, nous nous rendîmes à la concession Kroely de Strasbourg, mon père nous emmenant directement à l’endroit où était parqué ce lot de Peugeot grêlées. A peine entrés dans la zone, nous l’apercevons et de loin, la première impression était très bonne. Au fur et à mesure que nous approchons, celle-ci ne fait que se confirmer et ayant fait le tour de la voiture, nous sommes conquis par cette belle peinture métallisée, ces jantes alu qui présentent mieux que de simples tôles et l’intérieur cossu en tweed finit de nous convaincre, à telle enseigne que nous avons totalement oublié que cette voiture présentait un défaut ! Mais oui, au fait, où est-il ? En réalité, il ne se distingue pas du tout lorsque l’on observe la voiture à hauteur normale d’homme, il faut s’abaisser à la hauteur du toit ou du capot et observer ceux-ci sous une lumière rasante et c’est seulement ainsi que l’on peut voir les multitudes et minuscules bosses faites par la grêle. Au vu de celui-ci, la balance avantages/inconvénients est vite faite, c’est une occasion rêvée pour mon père à 50 ans de s’offrir une voiture d’une catégorie et d’une prestance à priori interdite pour lui, du moins en neuf. La décision est donc pliée, nous la prenons !
La 305 série une
La 305 a été lancée en novembre 1977 et a existé sous deux phases bien différentes l’une de l’autre, non-pas esthétiquement mais techniquement comme nous allons le voir plus loin. Ainsi, lorsque la série 1 s’inscrit encore dans les Peugeot des années 70, la série 2 fait bien partie des années 80. La première mouture de la 305 est une 304 recarrossée car elle reprend toute la technique de celle qui, elle-même, dérive de la 204 de 1965 ! A la décharge de Peugeot, Il faut resituer le contexte de la fin des années 70 du constructeur qui est en pleine digestion difficile du rachat des marques Citroën et Talbot, les finances manquant pour concevoir un produit totalement nouveau. Ne lui jetons pas la pierre, Renault ayant appliqué le même principe sur sa 18 qui est une mise à jour esthétique de la 12, j’exagère à peine. Mais revenons à la 305 avec ses suspensions de 304… appauvries ! En effet, alors que cette dernière dispose à l’avant d’un véritable triangle inférieur, la 305 va se contenter d’une simple barre de torsion supposé remplir le même office, mais sans les avantages de celui-ci. Les effets se feront sentir sur la tenue de route, certes efficace en condition de roulage normale, mais en conduite soutenue, qui plus est sur le mouillé, la 305 devient nettement sous-vireuse et aura tendance à glisser du train avant. Choix troublant alors que l’on attend d’une nouveauté qu’elle soit en progrès sur sa devancière. Niveau motorisations, on va reprendre à l’identique le 1290 cm3 de 65 ch. pour les finitions GL/GR de 7CV, et on va faire évoluer (tout de même) celui-ci pour en faire un 1472 cm3 de 74 ch. qui va investir la catégorie des 8CV dans l’unique finition SR. Le design de la 305 est l’œuvre du bureau de style Peugeot dirigé par Gérard Welter et n’est donc pas un produit Pininfarina comme on a tendance à le penser. Très classique, il sera néanmoins jugé élégant et donnera des ventes dépassant les prévisions dès la commercialisation du véhicule. Un bémol toutefois, l’assise de la voiture est gâchée par de fins pneus et des voies étroites donnant une allure fragile à cette berline.



La gamme va rapidement évoluer avec l’introduction d’une version diesel, Peugeot étant avec Mercedes un pionnier dans la démocratisation de ce type de motorisation. Ici aussi, on va reprendre le moteur de la 304 avec une évolution portant la cylindrée et la puissance à respectivement 1548 cm3 et 49 ch., contre 1357 cm3 et 45 ch. Hélas, malgré les améliorations faites depuis l’apparition de ce moteur sur la 204, sa fiabilité ne sera toujours pas à la hauteur de ce que l’on est en droit d’attendre de ce type de propulseur. Autre évolution en 1980, la finition S qui, malgré son sigle évocateur, va décevoir les sportifs qui resteront sur leur faim, la puissance culminant modestement à 89 ch., la vitesse de pointe à 162 km/h et les 1000 mètres départ arrêtés sont abattus en 34 grosses secondes. On est loin de valeurs sportives. Mais à cette époque, la maison de Sochaux baigne encore dans un conservatisme certain et n’a pas encore fait sa révolution qui viendra quelques années plus tard. Pour finir, n’oublions pas d’évoquer les breaks lancés en 1980 et qui vont calquer leurs définitions sur celles des berlines. Des 305 série 1, j’en ai bien sûr côtoyé : il y avait la GR Ivoire (une combinaison très prisée) du père d’Arielle, la SR Vert Doré métallisé de mon oncle René et la 305 Team de mon copain Antoine qui était sa première voiture neuve achetée à 21 ans ! Avec cette série limitée, Peugeot cherchait à rajeunir sa clientèle avec une présentation plus pimpante, mais plus prosaïquement, elle était également destinée à écouler les stocks de moteurs « S » non-reconduits sur la série 2.
La 305 série deux
Après un excellent démarrage en début de carrière, les ventes de la 305 série 1 vont s’émousser au fil des années faute d’évolutions suffisamment marquantes pour contrer les nouveautés de la concurrence. La série 2 est lancée au millésime 1983 et va corriger les défauts du premier opus. En premier lieu le train avant, complétement revu, avec une architecture moderne qui combinera une excellente tenue de route à un confort efficace. Les pneus plus épais et les voies élargies donneront enfin une meilleure prestance visuelle. Esthétiquement, le plus gros changement s’effectuera sur la face avant désormais inclinée dans le sens opposé pour une meilleure pénétration dans l’air et donc une moindre consommation de carburant. L’habitacle va être entièrement revu, du sol au plafond : nouveaux sièges, nouveau tableau-de bord et nouveaux garnissages. L’ensemble beaucoup plus qualitatif combiné à des harmonies de teintes judicieuses, donnera le sentiment d’une montée en gamme. Autre évolution très importante, l’arrivée de l’excellent moteur de type XU en versions diesel et essence. Le premier n’aura aucun mal à faire oublier le peu réussi précédent modèle, sa cylindrée de 1905 cm3 pour une puissance de 65 ch. lui octroieront des performances en très net progrès par rapport à la série 1 tout en consommant beaucoup moins. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au 1000 m DA 37,7 s contre 41,2s pour l’ancien, 147 km/h contre 135 km/h. La fiabilité, plus en rapport avec la réputation de robustesse de la marque au lion, sera cette fois-ci au rendez-vous, les XUD seront capable d’aligner plusieurs centaines de milliers de kilomètre. Les 305 GLD et SRD seront très appréciées des essayeurs automobiles ainsi que des gros rouleurs qui n’auront plus l’impression d’être punis en roulant au « Mazout ».



Mais ce fameux XU va également équiper la nouvelle version GT, les autres versions, GL, GR et SR, conservent les moteurs issus de la 304. D’une cylindrée de 1580 cm3 et d’une puissance de 94 ch., ce moteur moderne donnera des prestations supérieures par rapport à la 305 S mais ne sera toutefois, toujours pas à considérer comme un modèle sportif. Le 1000 m DA est abattu en 33,1 s et la vitesse de pointe est de 170 km/h obtenue en quatrième du fait de la 5e surmultipliée. Ce dernier point afin de rester dans la sacro-sainte catégorie des 7 CV dont le coût de la vignette reste encore abordable. La vraie variante sportive apparaitra en 1984 à travers la GTX dont la cylindrée est portée à 1905 cm3, la puissance à 105 ch. et le couple à 165 nm à 3000 tr/mn (contre 137 Nm à 3750 tr/mn pour la GT). Le progrès en performance est notable : 32,5 s au 1000 DA, 182 km/h et surtout en reprise 11,4 s, de 80 à 120 en 5e, contre 19,5 s pour la GT ! Curieusement, Peugeot a choisi une alimentation par carburateur double-corps pour ses GT et GTX, pourquoi n’ont-ils pas, au moins sur cette dernière, franchi le pas de l’injection ? Le sigle GTI aurait valorisé cette variante, Volkswagen était moins frileux avec sa Jetta GLI, tout comme Audi avec sa 80 GT/E. Toujours en 1984, notons également l’introduction d’une variante automatique reprenant le moteur 94 ch. de la GT dans une finition s’apparentant à la SR. La remise à jour des 305 a été bénéfique aux ventes puisque ces dernières remontent, il faut dire que cette série 2 est accueillie avec le plus grand enthousiaste de la part des essayeurs, certains, comme André Costa de L’Auto-Journal, jugeant le progrès tel, qu’il estime qu’elle aurait pu être baptisée 306.



Mais en 1985, Peugeot introduit la 309, celle qui aurait dû être une Talbot, va désormais faire de l’ombre à la 305, les ventes repartent à la baisse. Certes la gamme est animée par des séries spéciales : la S5, une GT à l’équipement simplifié et une EXL qui, à l’inverse, va bénéficier d’un petit moteur et d’un équipement enrichi. Enfin, comme souvent chez Peugeot, la gamme est clôturée par une version GLS suréquipée, cette dernière n’ayant existé qu’au dernier millésime. La 305 berline est arrêtée en 1988 laissant toute la place à la nouvelle 405, quand le break subsiste encore au millésime 1989 et la Fourgonnette en 1990. Le bilan ? Une carrière de plus de 10 ans et une production totale de 1.650.000 unités toutes versions confondues. Résultat d’un bon niveau et qui dépasse les scores individuels des 204 (1.600.000 ex.) et 304 (1.180.000 ex.).



305 Sport
J’ai évoqué ci-dessus le conservatisme légendaire de Peugeot avec un réveil au début des années 80. Imaginons une émancipation totale à l’image de ce que les marques allemandes sont capables de faire. Voici donc une 305 Sport, bien virilisée par des appendices aérodynamiques ainsi que des jantes ad hoc.



Livre « La 305 de mon père »
Si vous voulez vous plonger plus en détail dans l’histoire de la 305, je vous conseille chaudement la lecture du tout nouveau opus de la collection « De mon père » dont l’auteur n’est autre que Laurent Berreterot, journaliste et « Mr Histoire » du mensuel « Youngtimers ». Cette collection a la réputation d’être inégale selon les publications, mais ce premier livre sur la 305 apporte des informations fouillées et inédites sur le modèle. Un ouvrage de très bonne facture donc. J’ai d’ailleurs eu le grand plaisir de réaliser les nuanciers des série 1 et 2 que vous trouverez dans ce livre.



Nuancier 305
J’ai également réalisé le poster ci-dessous rassemblant toutes les teintes des deux séries en une seule planche. Vous pouvez commander votre exemplaire en bas de cette page. Vous voulez votre propre 305 ? je personnalise les illustrations à la demande.




Poster nuancier Peugeot 305
FR – Poster aux dimensions 50 x 70 imprimé sur papier photo de haute qualité garantissant une netteté et un rendu des couleurs excellents. Frais de port supplémentaire en dehors de la France. EN – Poster size 50 x 70 printed on high quality photo paper, guaranteeing excellent sharpness and colour rendition. Additional shipping costs outside France.
70,00 €
Mon père avait acheté en 1981 une 305 tôlée avec le 1549 cm3 diésel tant décrié. Il était poussif mais à cette date là, il était fiable. Mon père s’en sépara en 1988 pour une BX Leader et je l’ai revue il y a quelques années avec quatre cent mille kilomètres au compteur. Je l’ai reconnue facilement. Du temps de mon père, cette 305 avait été attaquée par la rouille au niveau de la plaque d’immatriculation à l’arrière et trente ans plus tard, je la retrouve avec sa tache de rouille toujours au niveau de la plaque arrière de police. C’était bien la voiture de mon père.
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Sympa comme anecdote, retrouver la voiture de son père trente ans après, ce n’est pas banal ! Vu le kilométrage et l’âge, voilà une voiture qui a rendu bien des services !
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Fort sympa cette article. Et dire que je roule encore avec une 305 S de 1982…
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Merci ! 🙂
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Peugeot à perdue la raison jusqu’à la 505 après c’est de la merde ( un peut la 206,307)
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J ai eu deux 305 GT et un break increvable ce dernier 480000kms impossible de m en séparé il est toujours dans une grange et il tourne de temps en temps
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Une vraie réussite la série 2 des 305, et la GT, avec les versions diesel, a grandement participé au renouvellement d’image du constructeurs qui sort ses griffes !
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Une super voiture. J’ai appris à conduire sur une GL de 1987. Version à éviter au point de vue confort et consommation. Privilégier ne serait-ce qu’une GR avec son 1580cc et sa boîte 5.
Mon père s’est séparé de la GL « export Afrique » (radiateur surdimensionné et filtre à air supplémentaire à bain d’huile) alors qu’elle affichait 130000km.
Je l’ai revue des années après, aux mains de la propriétaire qui l’avait alors acquise, avec plus de 560000km. Ni le moteur, ni la boîte de vitesses n’ont été changés. Elle a du finir sa vie avec 700 ou 800000km. De l’increvable, quoi…
Ce que j’en retiens le plus, un freinage peu efficace mais une voiture montée sur des rails malgré une prise de roulis importante en virage et des pare-chocs qui ne craignent pas les coups en ville, avec leur épaisseur de 3mm d’acier.
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Peugeot s’est bâtie au fil des années une belle réputation de robustesse, notamment avec les fameux moteurs XU. Seul le petit diesel apparu sur la 204 et arrêté sur la 305 phase 1 n’était pas à la hauteur.
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Bonjour,
J’ai possédé pendant 6 ans une srd brun macao. Confort super, bruit et vibrations prochent du zéro . Mais la rouille,………..
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Cétait une bonne berline effectivement, j’ai de bon souvenirs de la GT Brun Macao de mon père que j’aimais bien conduire. La sienne n’était quasiment pas attaquée par la rouille. Heureusement, depuis, on a fait des gros progrès !
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J ai eu le plaisir d avoir une GTX
Préparé par un mecano qui travaillé chez Peugeot Talbot sport à Vélizy heureusement il y avait beaucoup moins de radar superbe auto
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Les performances devaient être proche d’une 205 GTI !
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Superbe histoire et définition de cette voiture.
J’en ai acheté une en 1985, lors de mon arrivée à Paris.
Sympathique pour l’époque, j’ai vite déchanté à l’utilisation, voiture poussive de Papy et une très mauvaise tenue de route.
Ça rappelle de bon souvenirs quand même 😊😊
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J’ai eu dans ma vie une 305 J’ai eu vraiment beaucoup de peine à m’en séparer.
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Comme chaque mois, j’ attends avec impatience votre nouvelle publication, et une fois de plus, que dire si ce n’est BRAVO et MERCI ; textes et illustrations sont de grandes qualités.
Puis je me permettre une suggestion de sujet : la Renault 18.
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Encore un message très sympathique ! Merci beaucoup 😊 ! Et oui, la Renault 18 fait partie de la liste « à faire », de plus c’est une concurrente de la 305. Enfin, on ne peut oublier l’emblématique version Turbo.
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Comme à chaque publication de Phil, celui-ci nous ravit par un article d’excellent niveau. Documentés, précises et remarquablement illustrées, les descriptions de chaque modèle sont d’un grand intérêt. Merci de nous avoir fait partager l’histoire de la 305 « grélée » de votre famille. Avec toute mon admiration pour votre travail d’illustrateur.
Pierre-André
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Merci beaucoup Pierre-André pour ce très sympathique commentaire. Je trouvais amusant de partager cette histoire familiale qui reste un très bon souvenir pour moi !😊
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