Au début des années soixante-dix s’opèrent de grands changements chez Porsche : afin de mettre la pérennité de la société à l’abri des querelles familiales, Ferry Porsche prend la décision de nommer à la direction de la société un membre extérieur à la famille. C’est Ernst Fuhrmann, alors directeur technique, qui le premier mars 1972, va accéder au trône tant convoité par d’autres. Parallèlement à ces événements, va être lancée l’étude de celle qui deviendra plus tard la 928. Ernst Fuhrmann estime qu’il faut sortir de la monoculture de la Porsche 911 qui, avec presque dix ans au compteur, est désormais jugée mécaniquement obsolète : son moteur refroidi par air placé en porte à faux arrière fait figure d’archaïsme alors que la plupart des concurrentes proposent des moteurs refroidis par eau, positionnés soit à l’avant, soit en position centrale arrière gage d’une meilleure répartition des masses et donc d’un meilleur équilibre. La 911 souffre en effet depuis le début d’une tenue de route qui ne plaît pas à tous, surtout au conducteur moins affuté qui ne se sent pas toujours en sécurité. Sa remplaçante se devant être à la hauteur de ses concurrentes, le bureau d’étude, sous l’impulsion de Fuhrmann, va faire table rase du passé et repartira d’une feuille blanche. Exit le moteur refroidit par air en guise de sac à dos, place au moteur refroidi par eau positionné sous le capot avant. On conserve néanmoins la transmission aux roues arrières et, afin de répartir les masses de manière la plus homogène possible, on va placer la boite de vitesse au niveau du train arrière selon le principe baptisé « Transaxle » par Porsche. Par ailleurs, les Etats-Unis étant devenus au fil des années un marché capital pour la marque de Stuttgart, le choix du moteur se portera sur un bon gros V8 de 4,5 l collant parfaitement aux habitudes des Ricains. La 928 pourra batailler à armes égales avec les Mustang, Camaro et autres… Révolution mécanique donc mais révolution stylistique également, dans ce domaine aussi on repart de zéro avec un dessin inédit en totale rupture avec le passé, oubliée la fameuse « Ligne Porsche » des 356 et 911. Le Letton Anatole Lapine, ancien de Général Motors et auteur de la Corvette Sting Ray, alors devenu chef du centre de design Porsche, va proposer un dessin qui déroutera beaucoup de personnes, à commencer par les inconditionnels de la 911. Le style, avec ses petites vitres latérales et ses gros montants de portes est osé mais néanmoins moderne. Il va aussi se distinguer par la position des phares, qui au contraire des concurrents optant pour des phares « pop-up », vont être bien visibles mais en position couchée lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Ce détail va donner un faciès reconnaissable entre tous mais, une fois encore, ne fera pas l’unanimité. Le magazine L’Auto-Journal n’hésitait pas à exprimer son manque d’enthousiasme pour ce dessin particulier à l’époque ! Cependant, avec le recul de plus de quarante ans, on peut affirmer que le style, simple et fluide, a très bien vieillit, surtout dans sa phase deux sur laquelle l’intégration des feux dans les pare-chocs est plus harmonieuse.

Présentée en mars 1977, la 928 était programmée plus tôt, mais la crise pétrolière passant par-là, a profité à la 911 qui bénéficiera d’un sursis (du moins le croit-on à l’époque !) à travers un restylage en bonne et due forme. Je fais bien sûr allusion à la bien connue type G et ses pare-chocs « américains » dont l’opération a été réalisée sous la direction d’Anatole Lapine qui, décidément, aura bien capté la sensibilité des Yankees. La toute première version de la 928 disposera d’une puissance de 240 ch, d’un couple de 363 Nm, d’une direction assistée, de freins efficaces et d’un train arrière multi-bras avec effet directionnel lui garantissant une tenue de route hors pair conjuguée à un confort de bon aloi. Bref, le but initial est pleinement atteint : faire de ce coupé, non-pas un sportif pur et dur mais un grand tourisme vigoureux et civilisé dans lequel on peut aligner les kilomètres sans se fatiguer.

Mais Porsche ne s’en tiendra évidemment pas à cette version, comme à son habitude, il ne va cesser de faire évoluer le modèle dont on peut retenir trois grands jalons : le premier en 1979 sera la 928 S qui gagnera 60 ch et 22 Nm, soit 300 ch et 385 Nm pour une cylindrée révisée à 4,7 l. Le second, en 1987 conjointement au restylage, sera la S4 adoptant la technologie des quatre soupapes par cylindre encore très peu répandue sur une voiture de série. Une nouvelle augmentation de cylindrée portée à 4,95 l lui permettra de développer 320 ch et 430 Nm. L’ultime évolution, en 1992, sera la GTS encore plus bestiale avec 5,4 l, 350 ch, 500 Nm et ses ailes arrières gonflées accompagnant les voies élargies. C’est elle qui clôturera la carrière de la 928 produite au total à plus de 60.000 exemplaires.

Boudée par les puristes (ou extrémistes !) Porsche qui n’ont jamais accepté ces PMA (Porsche à moteur avant), elle était néanmoins reconnue pour ses prestations très abouties. J’en veux pour preuve son élection au titre de voiture de l’année 1978 par l’association des journalistes européens, d’ailleurs unique modèle sportif qui obtiendra ce titre. Aujourd’hui, elle est devenue un classique et les collectionneurs s’intéressent de nouveau à elle mais son objectif initial n’a pas été atteint, la 911 lui ayant survécu !
Possédant une 928 à restaurer, un de mes lecteurs m’a demandé de lui imaginer une version sportive. Le cahier des charges était de ne pas tomber dans l’outrance mais de conserver une certaine discrétion tout en virilisant un peu la ligne de la 928. Outre une assiette rabaissée, des jantes élargies, un petit spoiler et des ailes légèrement gonflées, j’ai proposé une peinture bi-tons en différentes combinaisons que je vous propose de découvrir ci-dessous. Cliquez sur les images pour les agrandir.








Ci-dessous une variante intégrant un nez noir ainsi que les phares pop-up.

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