Nous sommes chez Publicis en réunion de travail, quelques semaines avant le lancement de la deuxième campagne publicitaire pour la Renault 14 :
« Bonjour à tous, si je vous ai réuni aujourd’hui, c’est pour vous informer d’un nouveau contrat de la part de Renault pour sa 14. Force est de constater que les ventes ne sont pas dans les objectifs et notre client attend de nous quelque chose qui marquera les esprits, qui fera parler. L’objectif étant bien sûr de permettre aux ventes de repartir à la hausse !
Il attend donc quelque chose de totalement différent de la première campagne, « la 7CV du bonheur », qui il faut bien le reconnaître était d’un classicisme affligeant ! On doit plutôt chercher une idée originale, à l’image de celle qui a été retenue pour la Renault 5, transformée en personnage de bande dessinée.
Vous pouvez reprendre les éléments utilisés lors de la première campagne : descriptif produit, attentes de Renault, cible visée, etc…
Alors Mesdames et Messieurs les créatifs, vous avez une semaine pour plancher sur le sujet et m’apporter vos meilleures idées. Allez, au boulot ! «
Une semaine plus tard, après avoir réfléchi, imaginé, « brain-stormé » toutes sortes d’idées, les créatifs vont présenter ces dernières au boss :
« Alors, le sujet vous a-t-il inspiré ? Je suis curieux de voir ce que vous m’avez pondu ! »
S’ensuit la présentation des différentes idées qui, sans être mauvaises, manquent singulièrement d’originalité. Puis vient le tour de Didier avec son lumineuse idée (du moins c’est ce que l’on pensait à ce moment-là !) :
« – J’ai pensé à une poire ! dit-il.
– Comment ça une poire ? Tu veux comparer une bagnole à une poire ? Va falloir que tu m’expliques le concept car là je suis plus que dubitatif ! »
Le reste de l’assemblée ne l’était pas moins et tout le monde était désormais suspendu aux lèvres de Didier.
« – Oui je sais bien que ça peut paraître bizzare à première vue, mais Renault veut que l’on communique sur le côté pratique de l’auto, son habitabilité, la taille de son coffre et veut minimiser l’importance de la motorisation. D’ailleurs, si l’on détaille le design, l’arrière est plus large que l’avant, la cellule habitable est importante par rapport au volume mécanique.
– OK, mais ça ne nous éclaire pas sur le rapport avec une poire ? Je ne vois toujours pas. Remarqua le boss.
– Si, si, regardez l’auto de trois quart arrière, on voit bien une poire ! »
Et Didier de montrer une illustration avec une forme de poire encadrant une photo de trois quart arrière de ladite 14.
– « Mouais !… C’est certes tiré par les cheveux mais comme c’est l’idée la plus originale présentée aujourd’hui, on va la proposer à Renault ! On verra bien ce qu’ils vont dire ».
Vous connaissez la suite de l’histoire, aussi surprenant que cela puisse être, la direction de Renault va avaliser la proposition et la retenir pour sa seconde campagne de pub !
Mais à l’époque, personne n’a su anticiper, ou su voir, le côté négatif d’une poire ! Ne dit-on pas, « tu es une bonne poire » sous entendant, tu t’es bien fait avoir ! Donc acheter une Renault 14, c’est en quelque sorte faire un acte que les personnes intelligentes et censées ne peuvent faire !…
L’idée prétendument lumineuse du départ s’est révélée en fait un bien mauvais concept. Résultat ? Un fiasco complet : une image définitivement détruite et des ventes qui n’ont pas décollé alors que c’était bien le but initial recherché !

On cite plusieurs raisons expliquant la mévente de la 14 : outre ses publicités pas assez ou trop décalées, le fait qu’elle intégre un moteur issu de la Peugeot 104 n’a pas motivé les vendeurs à promouvoir le modèle, préférant continuer à proposer aux clients de « vraies » Renault telle que la R12 par exemple. Le style, qui est l’œuvre de Robert Broyer, est également évoqué comme une raison de l’échec du modèle. Pourtant il a été reconnu au travers du « Grand Prix d’Esthétique Industrielle » décerné en septembre 1976 !
Arrêtons-nous sur ce point justement et regardez-la bien cette Renault 14 : observez l’absence de gouttières autour des vitres latérales, remplacées par des joncs disposés sur le pavillon, cela lui confère un style épuré, lisse et simple. Observez également les flancs latéraux divisés en deux parties par une ligne de caisse qui se termine en virgule au niveau du passage de roue arrière, encore des formes à la lecture simple. Ce traitement des flancs va d’ailleurs se retrouver sur la 18 de 1978 et la Fuego de 1981 ! Enfin, observez l’arrière rebondi, plus large que l’avant et aux passages de roues gonflés. Ces dernières caractéristiques ayant été depuis reprises sur de nombreuses voitures et font désormais complétement partie des canons actuels.
Mais alors, qu’est ce qui cloche ? La face avant d’une banalité affligeante ? Deux phares rectangulaires entourant une simple grille en plastique ? Pas seulement, car très courants à l’époque. La prestance de la voiture est gâchée par une assiette beaucoup trop haute combinée avec des voies étroites et de petites roues perdues dans les immenses passages de roues (surtout à l’avant). Elle parait frêle et fragile, elle manque d’assurance. De plus l’arrière plus large que l’avant a sans doute rebuté plus d’un client. Aujourd’hui, cela passerait sans problème. Trop en avance la Renault 14 ? Son design est souvent expliqué à travers le fait que c’est l’une des premières voitures pensée de l’intérieur vers l’extérieur : on a d’abord établi les dimensions, la forme de l’habitacle et du coffre, le design extérieur en découlant. Pour la petite histoire, c’est aussi la première voiture française ayant massivement utilisé la CAO (conception assistée par ordinateur) pour sa conception.

Du fait de son piètre succès, la gamme Renault 14 n’a pas été développée comme d’autres modèles : au départ seules les L et TL étaient proposées, avec un moteur de 1210 cm3 développant 57 ch. Plus tard, pour l’année modèle 1979, Renault introduit les GTL et TS plus haut de gamme, mieux équipées, mieux présentées et avec des évolutions mécaniques (69 ch pour la deuxième). Donc pas de sportive, pas de trois portes, pas de break ! Certains dérivés étaient pourtant à l’étude mais sont restés dans les cartons. Ainsi, je vous propose ma vision d’une version sportive en trois portes qui pourrait être une Alpine Turbo (pour rester en cohérence avec la R5).

La première correction est d’appliquer une assiette rabaissée et d’élargir les voies afin de remplir au mieux ses immmeeeeennnses passages de roues, on voit qu’à l’avant, ce n’est pas évident ! J’ai également essayé de donner plus de caractère à la calandre en l’affinant en hauteur et en y mettant quatre optiques. Le spoiler avant est fortement inspiré de celui de la 5 Alpine. A noter un détail amusant : la perte d’une porte combinée avec l’allongement de la glace arrière latérale lui donne visuellement un profil plus allongé.
La carrière de la Renault 14 s’étend de 1976 à 1983, avec un très très léger restylage en 1980 avec le déplacement des clignotants à côté des projecteurs. il s’en est vendu presque un million, soit un succès mitigé pour un véhicule de milieu de gamme, mais on ne peut pas parler non plus d’un véritable échec commercial.
C’est la Renault 9 au design complétement sage, voire banal, qui remplacera la 14 épaulée plus tard par la 11 qui rencontrera, elle, un vrai succès.


Trop en avance la Renault 14 ? Peut-être, mais une certitude reste : la campagne de publicité « La Poire » lui aura fait beaucoup de tord jusqu’à aujourd’hui. Car malgré des qualités évidentes, un design dans le coup, les collectionneurs d’aujourd’hui ne lui montrent pas (encore ?) un grand intérêt !
passé mon permis sur cette voiture ,très maniable et excellente routière ,certes trop en avance ,avec son arrière élargi ,façon aujourd’hui ,et dont la pub du fruit céleste au goût raffiné ,c’est vite transformé en fruit pourri . Comme quoi ,une idée lumineuse peut avoir une interprétation pour les moins désastreuse . Je viens de constater que la Fuego qui fût aussi un coup manqué ,semble rappelé un peu trop de l’avant de la R14 ,et de ses formes arrondies ,surtout après le succès des formes anguleuses de la prestigieuse R17
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Je fais partie de ceux qui ont beaucoup aimé la 14 à son époque, elle était déjà moderne, seul hic, ses passages de roues immenses par rapport au roues minuscules, cela lui donne une allure frêle, pas assez posée. Et oui, il y a une parenté stylistique entre la 14 et la Fuego, notamment dans le traitement des flancs, on peut également citer ceux de la 18.
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