« Je ne sais pas ce que mon père lui trouve à cette Saab 900 cabriolet ! » Telle était la remarque de mon jeune collègue Fabian, qui lui a offert une de mes illustrations en guise de cadeau pour ses 60 ans. En réalité, je n’étais pas vraiment surpris de son avis, car la Saab 900 relève d’une philosophie bien à elle qui divise les amateurs d’automobile. Bref, on aime ou on déteste ce modèle emblématique du constructeur suédois. Pourquoi fait-il parler ? En premier lieu, par son style évidemment : ses importants porte-à faux, son pare-brise panoramique et vertical, sa version combi-coupé, ne plaisent pas à tout le monde. Ses fans vous diront qu’à l’inverse, ce sont justement ces différents points qui font son charme !
Il paraît que l’essayer c’est l’adopter, car outre son style, elle dégage une personnalité attachante grâce à des gimmicks propres à elle. Ceux-ci justifiés par une réponse à un besoin spécifique : les gros boutons sur le tableau de bord ? On peut les manipuler en portant des gants ! La planche de bord verticale et légèrement incurvée ? Héritage de l’origine aéronautique du constructeur, il présente l’avantage d’être très lisible et ergonomique ! La clé de contact située entre les sièges ? C’est pour éviter les blessures sur les membres inférieurs lors d’un accident ! Le fait que l’on ne puisse retirer cette même clé qu’en enclenchant la marche arrière ? C’est pour s’abstenir à utiliser le frein de stationnement par grand froid, et donc que celui-ci ne colle ! Eh oui, cette voiture a été conçue dans un pays ou les hivers sont rudes.
L’influence des habitudes de l’aéronautique va se retrouver également, dans la conception poussée de la sécurité passive, dans son montage sérieux et dans sa finition soignée, faisant d’elle un véhicule sûr, fiable sur lequel on pourra compter lors de nombreux kilomètres. Grâce à ses différents points, elle rencontrera un succès certain à l’export et sera considérée comme une voiture plutôt haut de gamme. Le premier marché sera les USA avec environ un tiers des ventes de 900 réalisées là-bas, confirmant ainsi la réussite déjà rencontrée sur ce continent avec la précédente 99. Marché capital pour Saab donc, et ce sont les nouvelles normes de sécurité américaine qui vont pousser l’étude d’une remplaçante à la 99, désormais caduque. Cependant, la taille réduite du constructeur suédois, lui interdit de lourds investissements dans une voiture entièrement nouvelle et l’obligera à repartir de la caisse de la 99 dont l’avant rallongé, accueillera une zone de déformation. Ceci expliquant le lien de parenté fort entre les deux modèles. De même pour les motorisations, les finances limitées lui interdisent de viser des 6 ou 8 cylindres pourtant bien en phase avec les habitudes des yankees. Mais à cette époque, la technique du turbo commence à faire jour et permet de contourner le problème à moindre frais tout en conservant le bloc quatre cylindres déjà disponible dans la banque d’organes Saab. Ce dernier fait ainsi partie des premiers constructeurs à l’utiliser en grande série, mais avec une philosophie différente de celle vue sur les Porsche 911 ou BMW 2002 Turbo : ici, point de coup de pied au cul, point de comportement « on/off », mais une utilisation douce de cette nouvelle technologie. Grâce à une pression de suralimentation réduite, on évite le temps de réponse typique des moteurs turbo de l’époque tout en augmentant sa plage d’utilisation vers les bas tours. Le résultat ? Un gain évident en couple et en souplesse qui donnera le change face aux six cylindres concurrents. Du fait de l’image « technologie avancée » dont bénéficiait le Turbo en ces années, Saab va, par ricochet, séduire une clientèle aisée et habituée des voitures haut de gamme. Il ira même encore plus loin en greffant une innovante culasse à seize soupapes sur sa version de pointe, lui donnant ainsi une touche sportive. Certes, avec toute ces originalités techniques, le tarif d’une 900 ne la met pas à la portée de toutes les bourses, une Turbo de 145 ch. est vendue environ 80.000 FF en 1979 sur le marché français, à comparer aux 74.000 FF d’une BMW 525 de 150 ch. et aux 67.000 FF d’une Peugeot 604 TI de 144 ch.
Lancée en 1978, la 900 sera proposée rapidement en plusieurs carrosseries, dont la plus emblématique est la Combi-Coupé deux portes citée plus haut, mais point de cabriolet réclamé à grand cri par le marché américain. Ce n’est que début 1986 qu’une telle version va rejoindre le catalogue, et les 400 premiers exemplaires produits chez le sous-traitant Valmet, iront directement sur ce marché. A noter que ces derniers disposeront encore de la calandre verticale, nommée « flat nose » par les connaisseurs. C’est justement une de celle-ci que possède le père de Fabian, un exemplaire qu’il a rapatrié des Etats-Unis vers l’Europe il y a quelques années. Un véritable collector donc, car l’immense majorité des 900 cabriolet disposait de la calandre inclinée « slant nose » apparue fin 1986.
Cette découvrable va jouir d’une image haut de gamme, branchée, et sera très appréciée par la bourgeoisie voulant rouler différemment tout en se distinguant avec un produit sortant des sentiers battus. Malgré un tarif proche des 300.000 FF en 1990 en France, le succès sera bien au rendez-vous dans le monde entier, à telle enseigne qu’après 25.000 exemplaires, Saab va fêter cette réussite avec la version spéciale « Monte-Carlo » de 1991 qui revêtira une teinte jaune exclusive au catalogue. Elle sera également habillée des jantes et bas de caisse « Aero » qui donneront une ligne allongée et fluide. Limitée à 300 exemplaires, cela en fait un autre collector recherché aujourd’hui.
La fin de vie est actée en septembre 1993 avec une production totale frôlant les 49.000 exemplaires et sera remplacée par la 900 nouvelle génération, basée sur l’Opel Vectra, suite à la prise de participation de General Motors, et qui tentera de faire perdurer l’esprit du modèle.
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Les Autos de Phil 
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