Posons les bases
La France brille dans le monde entier grâce à ses produits de luxe que sont la maroquinerie, les cosmétiques et la haute-couture. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à dépenser plusieurs milliers d’euros afin d’acquérir le dernier sac Louis Vuitton, la robe de saison Christian Dior ou encore le parfum Chanel. Malheureusement et malgré plusieurs tentatives de nos constructeurs actuels, l’automobile française d’aujourd’hui n’appartient pas au monde du luxe. Il y a certes Bugatti, mais appartenant à Porsche et Rimac, est-ce encore une marque française ? Ainsi, si vous voulez vous offrir un tel modèle, vous êtes prié d’aller voir la production étrangère ! Mais, et on a tendance à l’oublier, ce n’était pas le cas dans le passé, car au début du vingtième siècle des marques bien françaises telles que Delage, Delahaye, Bugatti et même Renault (eh oui !) proposaient des voitures très raffinées qui faisaient référence dans le monde entier. Malheureusement, la deuxième guerre mondiale va complétement rebattre les cartes et, malgré la relance après 1945 de certaines des marques citées ci-dessus, elles vont toutes disparaître au milieu des années cinquante faute d’acheteurs. La France étant en pleine reconstruction, ses citoyens n’avaient pas toujours les moyens d’acheter ces chers modèles de luxe. C’est dans ce contexte et en prenant le monde automobile par surprise, que Jean Daninos, alors carrossier, dont la société porte le nom Facel (Forges et Ateliers de Construction d’Eure et Loir), se lance dans la production de voitures de luxe avec son premier coupé baptisé Vega. Sa présentation officielle aura lieu le 22 juillet 1954 et on notera un produit qui se donne les moyens de ses ambitions : son moteur V8 De Soto Firedome de 4,5 l de cylindrée développe une puissance de 180 ch. permettant à ce joli coupé de croiser à 185 km/h. L’expérience de Facel en motorisation étant plus que limitée, il ne lui reste pas d’autre choix que de se fournir ailleurs. N’ayant pu trouver un accord avec un constructeur européen, il se tournera vers Chrysler, grands producteurs de big blocks ! De plus, on pourra opter pour une transmission automatique ou manuelle au choix. Pierre Daninos va dessiner une carrosserie bien dans l’air de son temps, avec une calandre à l’identité bien marquée, à l’image de ce que fait Mercedes. Pour finir, l’habitacle cherchera à égaler les meilleures productions mondiales.



HK500
Après quatre années de succès, en grande partie à l’exportation, Jean Daninos propose au salon de Paris 1958, une ultime évolution de son coupé initial : il s’agit du modèle HK500 qui offre un moteur de 5,9 l en lieu et place des 4,9 et 5,8 l du millésime précédent. Avec une puissance de 360 ch., il parvient à une vitesse de pointe de 235 km/h, ceci grâce à son rapport poids/puissance de seulement 5 kg par cheval, qui explique d’ailleurs le nom de baptême : HK signifiant « Horse per Kilo » en anglais. Seule la boîte mécanique sera proposée pour cette puissance, la boîte automatique sera quant à elle associée à un moteur limité à 335 ch. A l’époque, point d’injection, mais de bons vieux carburateurs : deux quadruple corps pour le moteur de 360 ch. et un seul pour le 335 ch. La présentation et la finition intérieure sont à l’image des meilleurs véhicules de luxe de l’époque avec une planche de bord en fausse ronce de noyer mais parfaitement imitée ! Le prix de vente est à la hauteur, puisqu’il faudra débourser pas moins de 4 650 000 F pour jouir de ce beau coupé de luxe, c’est tout simplement plus de trois fois ce que demande Citroën pour sa DS 19 Prestige ! Afin de vous donner une idée de la plage tarifaire des véhicules de l’époque, sachez qu’une 2CV Type A se vendait pour 389 400 F. Le coupé Facel Vega est donc bien destiné aux plus riches.
Sur les illustrations ci-dessous, je me suis amusé à intégrer des jantes de plus grand diamètre et d’inspiration transalpine. Comme souvent, des roues bien proportionnées et correctement disposées renforcent la prestance et l’assise d’une voiture. Le mariage de celles-ci avec le dessin de Daninos fonctionne parfaitement. Au passage, vous me pardonnerez l’entorse à l’origine !



La fin de Facel
Avec près de 850 coupés Vega produits, on peut affirmer que le pari initial de Jean Daninos est réussi, ceci l’encourageant à développer sa gamme avec la berline Excellence et un modèle plus accessible nommé Facellia. Hélas, ce dernier mettra la société en grande difficulté à cause de son moteur Pont à Mousson peu fiable et en conséquence, des dépenses en après-vente trop onéreuses. Le choix d’un moteur français est ici guidé par des taxes d’importation trop élevées et il a fallu s’orienter vers une fabrication hexagonale. Facel va bien-sûr corriger les défauts et continuera à développer sa gamme à travers les modèles 2 et 3 mais le mal est fait, la société est mise en redressement judiciaire, puis reprise en contrat de location gérance pendant un an par la Sferma (Société Française d’Entretien et Réparation de Matériel Aéronautique). Cette dernière était une filiale de la société nationalisée Sud-Aviation, qui elle-même dépendait du ministère des Finances dont le responsable, Giscard d’Estaing, s’est opposé fermement à tout nouvel investissement dans Facel. Le renouvellement du contrat au-delà du 30 septembre 1964 n’a donc pas été acté. Et c’est ainsi que l’on mit fin à la dernière marque de prestige française !
Facel-Vega European Challenge
J’ai imaginé un challenge européen dédié au modèle HK500, en illustrant quatre de ses représentantes et en reprenant les codes couleurs du sport automobile en vigueur à l’époque : bleu pour la France, vert pour l’Angleterre, rouge pour l’Italie et argent pour l’Allemagne. En voyant celles-ci, mon fils Maxime m’a fait remarquer que leurs apparences évoquaient fortement la bande dessinée Michel Vaillant ! En y réfléchissant, il n’a pas tort et sans doute ai-je été influencé malgré moi par mes lectures de jeunesse !




Petite erreur de géographie : Ce n’est pas le fleuve la Loire qui passe dans le département de l’Eure-et-Loir, mais la rivière le Loir. Donc il convient d’écrire que Facel est l’acronyme de Forges et Ateliers de Construction d’Eure-et-Loir (sans « e » à Loir). Merci de rectifier.
Quand à l’accident mortel de Camus, je précise que c’est le pneu arrière gauche qui a éclaté à grande vitesse sur la route nationale 5 (et non 6 comme écrit souvent) bordée d’arbres. Camus était le passager avant (ceinture de sécurité inexistante à l’époque) et non le conducteur : ainsi lorsqu’on lit parfois qu’il était mort « au volant d’une Facel-Véga » il s’agit d’une fake-news propagée par un ignorant.
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Merci Adam pour les informations sur l’accident de Camus ainsi que pour la précision géographique, celle-ci est désormais rectifiée.
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Bien écrit – Comme belge j’ai connu là travers deux images : l’accidebt mrotel de Gallimard et Albert Camus en 1960 et dans la bande dessinée de Jacques Martin ou apparaït une Facel vega bleu clair, tellemnt bien dessinée que je suis devenu fan de cette voiture. Je crois que les têtes couronnées de l »époque et les grands stars en possèdainet une. BRAVO pour cet article qui m’a enchanté du début à la fin.
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J’avais oublié l’anecdote de l’accident. C’est souvent dans notre jeunesse que nous puisons nos passions d’adulte et je confirme que les Facel-Vega étaient prisées par le gotha de la société. MERCI pour votre compliment !
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